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cette terre est encore libre, si on la compare aux autres provinces de la Gaule, et cette liberté, j’aurais voulu la défendre contre les North-mans !

— Qui t’en empêche ?

— Vieillard ! — reprit la belle Shigne, — les hommes de Rolf sont de ma race… Combattrais-tu les hommes de ta race ?

— Non, — répondit Eidiol, — je ne peux qu’approuver ta résolution.

— Avant notre dernier adieu, — dit Gaëlo en remettant au vieux nautonnier un rouleau scellé, — garde ces parchemins, tu y trouveras le récit des aventures qui ont amené mon mariage avec Shigne ; là aussi tu trouveras quelques détails sur les mœurs des pirates north-mans et sur le stratagème à l’aide duquel, ma compagne et moi, nous nous sommes emparés de l’abbaye de Saint-Denis. Si un jour, toi ou ton fils, afin d’accomplir le vœu de notre aïeul Joel, vous écrivez une chronique destinée à continuer notre légende, tu pourras dire un mot de ma vie, et joindre à ce récit le fer de flèche retiré par toi de ma blessure ; cet objet augmentera le nombre des reliques de notre famille.

— Gaëlo, tes vœux seront accomplis, — répondit le vieillard avec émotion. — Si obscure qu’ait été ma vie jusqu’ici, j’avais eu la pensée de retracer les événements qui se sont dernièrement passés depuis l’apparition des pirates north-mans sous les murs de Paris jusqu’au mariage de Rolf et de la fille de Karl-le-Sot ; ce récit, je le compléterai grâce aux notes que tu me donnes.

Après un dernier et touchant embrassement, Gaëlo et la belle Shigne quittèrent la maison d’Eidiol. Leurs deux holkers, montés, l’un par les vierges-aux-boucliers, l’autre par les champions de Gaëlo, les attendaient dans le port Saint-Landry. Bientôt les deux légers bâtiments descendirent la Seine pour aller prendre la route azurée des Cygnes à travers l’océan du Nord.