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Dans la cité presque musulmane de Narbonne, ainsi que dans toutes les autres villes de la Gaule, soumises aux Franks et aux évêques, il y avait, hélas ! des marchés publics où l’on vendait des esclaves ; mais ce qui donnait au marché de Narbonne un caractère particulier, c’était la diversité de race des captifs que l’on offrait aux acheteurs : on voyait là grand nombre de nègres, de négresses et de négrillons d’Éthiopie d’un noir d’ébène ; des métis, au teint cuivré, de belles jeunes filles et de beaux enfants grecs venant d’Athènes, de Crète ou de Samos, captifs enlevés lors des nombreuses courses des Arabes, chez qui Mahomet, leur prophète, avait, en politique habile, développé la passion des expéditions maritimes : — Le croyant qui meurt sur terre n’éprouve qu’une douleur à peine comparable à celle d’une piqûre de fourmi, — dit le Koran ; — mais le croyant qui meurt sur mer éprouve, au contraire, la délicieuse sensation qu’éprouverait l’homme en proie à une soif ardente, à qui l’on offrirait de l’eau glacée mélangée de citron et de miel. — Autour du marché aux esclaves s’élevaient de nombreuses boutiques arabes remplies d’objets fabriqués surtout à Grenade et à Cordoue, alors centres des arts et de la civilisation sarrazine : c’étaient des armes brillantes, des tasses d’or et d’argent ornées d’arabesques délicats, des coffrets d’ivoire ciselé, des coupes de cristal, de riches étoffes de soie, des chaussures brodées, des colliers, des bracelets précieux ; à l’entour de ces boutiques se pressait une foule aussi variée de race que de costume : ici les Gaulois originaires du pays, avec leurs larges braies, vêtement qui avait fait, depuis des siècles, donner à cette partie de la Gaule le nom de Bracciata (ou brayée) ; là les descendants des Wisigoths conservaient, fidèles à la vieille mode germanique, leurs habits de fourrures malgré la chaleur du climat ; ailleurs c’étaient des Arabes portant robes et turbans de couleurs variées ; de temps à autre, les cris des prêtres musulmans, appelant les croyants à la prière du haut des mosquées, se joignaient aux tintements des cloches des basiliques, appelant les catholiques à la prière. — Chiens de chrétiens ! —