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Aussitôt dit que fait : on prend mon homme, on trousse sa robe de prêtre, et à grands coups de ceinturon on applique une rude discipline à mon capitaine de Dieu, tout casqué, cuirassé qu’il était… après quoi on le met dans le bac ; moi et mes gens nous y entrons, et nous trouvons en ligne, sur l’autre bord, l’armée cléricale. Cinq ou six de ces tonsurés s’étaient munis d’arcs ; ils nous envoient une volée de flèches assez mal visées ; mais le hasard veut qu’elle tue l’un des nôtres et en blesse deux ; nous étions trente au plus, nous abordons cette centaine de soldats d’église et de pauvres esclaves, amenés là de force ; ils essayent de nous résister, mais nous invoquons notre très-sainte Trinité : épée, lance et hache ; aussi les vaillants de l’évêque de Châlons nous montrent bientôt comment est cousu le derrière de leurs chausses… Le glorieux capitaine épiscopal saute sur sa mule et donne le signal de la retraite en fuyant au galop ; les tonsurés l’imitent… nous enterrons une demi-douzaine de morts ; nous ramassons quelques blessés, qui ont été soignés au monastère, plus tard, remis en liberté ; or, depuis nous n’avons pas entendu parler de la vaillante armée épiscopale.

— Je savais cela, mes amis, et je vous approuve, sauf la discipline de l’archidiacre, que je blâme fort, — dit Loysik ; — car j’ai eu grand’peine à calmer la juste colère de l’évêque de Châlons à ce sujet… Vous avez donc agi comme il fallait ; oui, défendre son bon droit, repousser la force par la force, c’est justice, et de plus, la résistance poussée jusqu’à l’héroïsme est souvent politique ; car, Brunehaut, je vous l’ai dit, a reculé devant l’idée de vous pousser au désespoir… À mon retour du camp de Clotaire, j’ai vu l’évêque ; je l’ai trouvé furieux de votre résistance et de l’outrage fait à l’archidiacre. Je lui ai dit ceci : — Je blâme fort l’outrage, mais j’approuve fort la résistance légitime de mes frères de la vallée… Voyez à quoi bon la violence ? Vous, homme d’église, vous avez envoyé des gens armés contre des moines et des colons qui ne demandaient qu’à vivre libres, paisibles et laborieux, selon leur droit. Vos gens ont été bat-