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la Saône ; le quatrième, Childebert, n’a pu être retrouvé… A-t-il été tué dans la mêlée ? s’est-il échappé ? on l’ignore…

— Et les trois autres ?

— L’aîné et le second ont été tués…

— Dans la bataille ?

— Non, non… ils ont été tués dans le village… là-bas… Le roi les a fait périr sous ses yeux, afin d’être certain de leur mort, ne voulant pas que ces enfants reviennent un jour revendiquer leur royaume… Pourtant on dit que le roi a fait grâce au plus petit des trois… M’est avis qu’il a tort ; car… Mais qu’as-tu, saint patron ? tu frissonnes… C’est le froid du matin, sans doute ?

— C’est le froid du matin… et la reine Brunehaut ?

— Elle est arrivée ici avec une fière escorte ! un véritable triomphe ! du fumier pour encens et des injures pour hosannah.

— On m’a dit cela sur la route ; mais la reine, à son arrivée dans le village, a été mise à mort, sans doute ?

— Non ; elle est encore en vie.

— S’il l’a gardée prisonnière pendant trois jours, Clotaire a donc eu pitié d’elle ?

— Clotaire… pitié de Brunehaut ? Il faut, en effet, bon patron, que tu viennes de loin pour parler de la sorte… Écoute bien ceci… Il y a trois jours Brunehaut a été conduite dans ce village que tu vois là-bas ; on l’a amenée dans la maison où ont été tués ses petits-fils : deux bourreaux fort experts et quatre aides, munis de toutes sortes d’ustensiles, se sont enfermés avec la vieille reine, il y a de cela trois jours, et elle n’est pas encore morte (D). Je dois ajouter qu’on lui laissait la nuit pour se reposer. De plus, comme elle avait entrepris de se laisser mourir de faim, on lui entonnait de force, tantôt du vin épicé, tantôt de la farine détrempée de lait, ce qui la soutenait suffisamment… Mais, saint patron, voilà que tu frissonnes encore.