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et les yeux, enfoncer des fers entre les ongles, après quoi on coupe à la victime les mains, les bras, les jambes et les cuisses… Hein ! ces rois, quels fins bourreaux de naissance !…

— Warnachaire, — dit Clotaire II, rugissant de fureur, — rappelle-toi ces supplices ; n’oublie rien… ils trouveront leur place. — Puis s’adressant à Brunehaut : — Et toi, n’as-tu pas rougi tes mains du sang de ton petit-fils Theudebert, après la bataille de Tolbiac ? Son fils, un enfant de cinq ans, n’a-t-il pas eu, par tes ordres, la tête brisée sur une pierre ?…

— C’est vrai. Mais, réponds, toi qui avais mes petits-fils en ton pouvoir, réponds, quel est ce sang tout frais dont ta robe est rougie ? c’est le sang innocent de trois enfants, dont tu viens d’usurper les royaumes ! Voilà comme nous agissons, nous autres de race royale. Nous voulons régner à la place de nos enfants, nous les énervons ; des héritiers nous gênent, nous les tuons ; des parents nous gênent, nous les tuons ; notre époux nous gêne, nous le tuons. Ton père Chilpérik gênait ta mère Frédégonde dans ses crapuleuses débauches, elle le fait poignarder !

— C’est toi, monstre, qui as fait assassiner mon père !

— Tu veux rire… c’est ta mère…

— C’est toi, bête féroce !…

— C’est ta mère… Tu ne me crois pas ? Tiens, interroge Landri, que je vois là derrière toi, Landri, un de tes fidèles ! et l’un des anciens amants de ta mère, il te le dira comme moi, qu’elle a fait poignarder ton père !

— C’est l’enfer que cette femme ! — s’écria Clotaire. — Qu’on l’entraîne ! qu’on la bâillonne !…

— Ô mes chers fils en Christ ! — s’écria l’évêque de Troyes, afin de couvrir la voix haletante de Brunehaut, — comment pourriez-vous croire les paroles de cette femme exécrable, qui accuse de forfaits inouïs, impossibles, la vénérable famille de notre glorieux roi Clotaire…