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— Seigneur roi, — lui dit à demi-voix le duc Warnachaire, — vous ne voulez décidément pas attendre le retour du connétable Herpon ?…

— Qui sait s’il sera seulement de retour aujourd’hui ?

— Songez qu’il a des chevaux frais, que ceux de Brunehaut sont épuisés de fatigue. Il est impossible qu’il n’ait pas atteint la reine au pied des montagnes du Jura, où elle n’aura pas osé s’aventurer. Le connétable peut d’un moment à l’autre arriver avec elle.

— Warnachaire, j’ai hâte d’en finir ; ce coup ne serait que peu sensible à Brunehaut, pourquoi l’attendre ? Cela doit être fait… Allons !…

Et le jeune roi ayant fait un signe aux deux hommes, ils s’approchèrent des enfants. Le sommeil du premier âge est si profond, que le petit Mérovée, de qui Sigebert avait doucement déposé la tête sur la bruyère, continuait de dormir. Ses deux frères, interdits, effrayés surtout par la figure sinistre des deux hommes portant des casaques de peau de bête, se reculèrent jusqu’à l’extrémité de leur couche ; là ils se serrèrent l’un contre l’autre, tout tremblants et sans mot dire. Au signe de Clotaire II, l’un des hommes, celui qui portait un paquet de cordes, le déroula, et s’avança vers les petits princes, tandis que son compagnon tirait de sa ceinture un couteau, large, long, droit et aigu comme celui d’un boucher ; il tâta légèrement du bout du doigt le fil de la lame fraîchement aiguisée, tandis que le fils de Frédégonde lui disait :

— Et surtout, hâte-toi.

Le bourreau répondit au roi par un signe de la main qui semblait signifier : — Soyez tranquille, j’irai vite. — L’autre homme s’était approché des deux enfants livides et muets d’épouvante, tremblant si fort que l’on entendait leurs dents se choquer ; le bourreau mit sur chacun d’eux sa large main, et dit sans retourner la tête.

— Roi… par qui commencer ?… Le plus grand, le plus petit, ou celui qui dort ?