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réflexion, s’adressant à l’un d’eux : — Va dire à l’ami Pog de se rendre dans sa cave avec ses garçons ; il allumera son brasier, ses lanternes et il attendra.

Le page s’inclina en pâlissant ; mais avant de s’éloigner il jeta sur le vieillard un regard de commisération et d’épouvante. La reine, restée seule avec Loysik, marcha quelques instants silencieuse et d’un pas agité ; puis elle dit à l’ermite laboureur d’une voix sourde et brève : — Donc, tu es Loysik, toi ?

— Je suis Loysik, supérieur du monastère de Charolles.

— Et d’abord, comment as-tu pénétré ici ?

— J’ai rencontré ce matin aux abords de ce château un marchand d’esclaves nommé Samuel ; dernièrement encore je lui avais acheté plusieurs captifs : il m’a appris qu’il se rendait ici ; sachant que l’on entrait difficilement dans ce palais, j’ai demandé à Samuel de l’accompagner ; il a d’abord hésité, deux pièces d’or l’ont décidé.

— Ces juifs ! Et comme les gardiens des portes avaient l’ordre d’introduire Samuel et des esclaves, tu as passé avec sa marchandise ?

— C’est la vérité.

— De sorte que pendant que le juif m’a amené ici les deux jeunes filles, tu attendais dans la salle basse ?

Loysik fit un signe de tête affirmatif.

— Mais ensuite, lorsque Samuel a quitté le palais ?

— Le juif m’ayant dit que de la salle basse on montait ici par cet escalier, j’y suis monté tout à l’heure, et, caché derrière le rideau, j’ai entendu votre entretien avec une de vos femmes.

Brunehaut bondit sur son siège, puis regardant le moine d’un air de doute effrayant : — Ainsi, cet entretien tu l’as entendu ?

— Oui ; j’allais entrer, vous croyant seule ; les premiers mots de votre conversation avec votre confidente m’ont frappé… j’ai écouté ; ailleurs je ne me serais jamais permis cette action basse et déloyale… mais…

— Mais dans le palais de Brunehaut, tout est permis, n’est-ce pas ?