— Brunehaut est prompte au soupçon et au châtiment ; mais elle est magnifique envers qui la sert fidèlement.
— Tu as donc quelque chose à me demander ?
— Oui, madame, mais seulement après la guerre, ou plutôt, je l’espère, après la victoire… si je la remporte sur Clotaire II, si je parviens à vous l’amener prisonnier…
— Warnachaire ! — s’écria la reine, frémissant d’une joie féroce à la pensée de tenir en son pouvoir le fils de Frédégonde… — si tu m’amènes Clotaire prisonnier, je te défierai alors de former un vœu qui ne soit accompli par Brunehaut, et… — Mais se ravisant, elle jeta un sombre regard sur le maire du palais, et ajouta : — Si c’est un piège que tu me tends pour détourner mes soupçons, Warnachaire, il est habile…
— Soit, madame, je suis un traître ; vous frappez sur ce timbre, à l’instant vos chambellans, vos écuyers accourent, et me tuent là ! sous vos yeux ; me voilà mort !… Mais quel est l’homme que vous ne soupçonnez pas ? Voyons ? Qui prendrez-vous pour général ? est-ce le duk Alethée ! Est-ce le duk Roccon ?
— Non !
— Est-ce le duk Sigowald ?
— Lui ? tu railles !
— Est-ce le duk Eubelan ?
— Peut-être… et encore ses anciennes liaisons avec Arnolfe et Pépin… ces deux traîtres ! Non, jamais je ne me fierai à Eubelan !
— Ceux-là seuls pourtant, madame, sont capables de commander l’armée ; ceux-là seuls sont des hommes de guerre.
— Oui, mais je n’ai voulu faire tuer aucun d’eux… ou du moins ils l’ignorent… tandis que j’ai voulu ta mort, Warnachaire.
— Madame, raisonnons froidement…
— Peux-tu raisonner autrement, homme impassible… homme impénétrable…
— Impénétrable à la trahison, madame…