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— Pourquoi si loin de Châlons ?

— Malgré mes recommandations, ces barbares ont volé et tué sur leur passage ; les conduire ici, au cœur de la Bourgogne, puis les renvoyer ensuite en une autre contrée, selon les besoins de la guerre, c’était exposer à des désastres inutiles les populations qu’ils auraient traversées… Ces nouveaux malheurs pouvaient augmenter l’irritation ; or, vous le savez, madame… de ce côté-ci de la Bourgogne une certaine agitation fermente dans la populace esclave.

— Oui… à l’instigation de ces traîtres qui ont rejoint le fils de Frédégonde, ils tentent de soulever le peuple contre moi, contre la Romaine, comme ils m’appellent ; oh ! seigneurs et populace sauront ce que pèse le bras de Brunehaut.

— Les ennemis de Brunehaut trembleront toujours devant elle, mais j’ai craint d’augmenter leur nombre en rendant nos populations victimes de la barbarie de vos nouveaux alliés ; le territoire où j’ai fait camper ces tribus sera dévasté sans doute, mais ce ravage sera du moins limité. De plus, la position est assez centrale pour que ces auxiliaires soient dirigés partout où il le faudra selon les mouvements de l’armée de Clotaire II ; j’ai donc agi, je crois, madame, avec sagesse et prévoyance.

— Et l’armée ? quelles sont ses dispositions ?

— Elle est pleine d’ardeur, ne demande que la bataille ; le souvenir des deux dernières victoires de Toul et de Tolbiac, et surtout l’immense butin, le grand nombre d’esclaves que les troupes ont enlevés, redoublent leur désir de combattre le fils de Frédégonde… Ce sont là, madame, les bonnes nouvelles qui, selon moi, balancent les mauvaises. Brunehaut croit-elle encore que Warnachaire ait agi en traître ?

— Qui sait ?

— Moi, je le sais, madame.

— Un homme dont on a voulu se défaire, qui l’apprend, et qui revient à vous ; ah ! Warnachaire, Warnachaire ! cela donne à penser !