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embrasement, qui avait mis en braise jusqu’aux racines des bruyères ! Splendide brasier de trois lieues d’étendue ! couvert de milliers de débris humains, informes, calcinés, chaude curée, au-dessus de laquelle tournoyaient déjà les bandes de corbeaux de la forêt de Cardik. Gloire à vous, Bretons ! plus d’un tiers de l’armée des Franks a trouvé la mort dans les landes de Kennor.

— Quelle guerre ! quelle guerre ! — disait aussi Louis-le-Pieux — Oui, guerre impitoyable, guerre sainte, trois fois sainte, d’un peuple qui défend sa liberté, sa famille, son champ, son foyer ! Ô terre antique des Gaules ! vieille Armorique ! mère sacrée ! tout devient arme pour tes rudes enfants ! rochers, précipices, marais, bois, landes enflammées ! Ô Bretagne à demi glacée par le poison mortel du souffle catholique ! Bretagne trahie, frappée au cœur, frappée à mort par l’épée des rois franks, perdant ton généreux sang par la poitrine de tes enfants, tu subiras peut-être le joug des conquérants et des prêtres de Rome ; mais les os de tes ennemis écrasés, noyés, brûlés dans cette lutte suprême, diront à nos descendants la résistance héroïque de la Gaule armoricaine !


la vallée de lockfern.


L’armée des Franks, décimée par l’incendie de la lande de Kennor, avait fui en désordre dans la direction de la vallée de Lokfern que dominait l’immense plateau où s’étaient réunis les trois corps de troupes échappée au désastre, emportée par l’impétuosité de sa course, une partie de la cavalerie franque, suivant Louis-le-Pieux dans sa course précipitée, arriva la première aux confins du plateau. Là, les cavaliers, poussés par la terreur, et ne songeant qu’à se dépasser les uns les autres, virent au-dessous d’eux, au pied du versant qu’il leur fallait descendre pour l’attaquer, la nombreuse cavalerie bretonne, rangée en bataille et commandée par Morvan et Vortigern, cavalerie rustique, mais intrépide, aguerrie et parfaitement montée. Les Franks, entraînés sur la pente rapide du vallon par la