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diminuées presque de moitié, autant par les pertes subies dans le passage des défilés et des marais, que par la défection de nombreuses cohortes qui, dans leur panique croissante, et malgré les ordres de leurs chefs, ont suivi le mouvement de retraite de la cavalerie. Ces trois corps d’armée se sont aperçus ; leur marche converge vers le centre de la plaine ; déjà la distance qui les sépare s’est tellement amoindrie, que de l’un à l’autre de ces corps, on voit miroiter au soleil les armures, les casques et le fer des lances. les phalanges de Louis-le-Pieux, descendues les premières dans la plaine par les pentes du Men-Brèz, firent halte, afin d’attendre des autres corps. Ces troupes démoralisées, décimées comme celles de Neroweg, ensuite de leur longue marche à travers des périls, des embûches de toutes sortes, reprenaient cependant courage. Elles allaient, cette fois, combattre en plaine, après avoir traversé cet immense plateau, que l’on pouvait mesurer des yeux dans toute son étendue ; il ne devait cacher aucun piège ; cette dernière bataille allait mettre fin à la guerre ; les Bretons acculés dans la vallée de Lokfern seraient écrasés par des forces trois ou quatre fois supérieures aux leurs. Les premières cohortes des deux armées venant des bords de la rivière et de la forêt, allaient se confondre avec les troupes de Louis-le-Pieux… Soudain vers l’est d’où soufflait un vent sec et violent, de petits nuages de fumée, d’abord presque imperceptibles, s’élèvent, de loin en loin, sur les confins de la lande qui se prolongeait jusqu’à Ia dernière pente du Men-Brèz ; puis ces points fumeux s’étendant, se reliant entre eux sur un développement de plus de deux lieues, forment peu à peu une immense ceinture de fumée noirâtre, rougie d’ardents reflets… Le feu vient d’être allumé en cent endroits à la fois par les Gaulois bretons dans les bruyères desséchées des landes de Kennor ! Poussée par la violence de la bise, cette houle de flammes, embrassant bientôt l’horizon de l’est au midi, des versants du Men-Brèz à la lisière de la forêt, s’avance, rapide comme les grandes marées que le souffle du vent précipite encore… Épouvantés à la vue