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les landes de kennor.


Elles ont environ quatre lieues de longueur et trois lieues de largeur, les landes de Kennor ; elles forment un vaste plateau ; il s’abaisse au nord vers la vallée de Lokfern ; il est borné à l’ouest par une large rivière qui, à peu de distance, se jette dans la mer armoricaine ; la forêt de Cardik et les dernières pentes de la chaîne du Men-Brèz bordent ces landes ; elles sont couvertes, dans toute leur étendue, de bruyères hautes de deux à trois pieds, l’ardent soleil caniculaire les a presque desséchées. Unie comme un lac, cette plaine immense, nue, déserte, offre un aspect désolé. Un vent violent, soufflant de l’est, fait onduler, comme des flots, les hautes bruyères couleur de feuilles mortes. Le ciel, par cette journée de vent et de hâle, est d’un azur éclatant ; le soleil d’août inonde de sa lumière torride ce désert, dont le silence est seulement parfois troublé par l’aigre cri des cigales ou par les longs gémissements de la bise qui siffle dans ces landes. Bientôt, longeant le bord de la rivière, une masse noire, confuse, paraît, s’étend, s’augmente, et se dirige vers le centre de la plaine de Kennor. C’est un des trois corps de l’armée que Louis-le-Pieux conduit en personne contre les Gaulois bretons. Longtemps avant son apparition, d’autres troupes, formées en cohortes compactes, descendaient à l’est les dernières pentes de la chaîne du Men-Brèz, s’avançant aussi vers la plaine, lieu marqué pour la jonction des trois armées qui avaient envahi l’Armorique, incendiant, ravageant le pays sur leur passage et repoussant les populations vers la vallée de Lokfern. Seules, les troupes de Neroweg, engagées dans la forêt de Cardik depuis le matin, manquaient encore à ce rendez-vous. Enfin elles sortent en désordre des bois et se reforment en phalanges. Après des fatigues et des travaux inouïs, se frayant un passage la hache à la main, abandonnant la cavalerie, obligée de rebrousser chemin vers les marais de Peulven, les troupes de Neroweg sont parvenues à traverser la forêt,