Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louis-le-Pieux, laissant à chaque pas les ossements de leurs compagnons au milieu des rochers et des marais de l’Armorique. Quelle guerre ! chaque haie des champs, chaque fossé des prairies cache un Breton au coup d’œil sûr, à la main ferme : la pierre de la fronde, la flèche de l’arc sifflent et ne manquent jamais le but… Quelle guerre ! Le creux des précipices, la vase des eaux dormantes, engloutissent les cadavres des soldats franks ; pénètrent-ils dans les forêts, le danger redouble ; chaque taillis, chaque cime d’arbre recèle un ennemi. Aussi la veille, n’osant pénétrer dans la forêt de Cardik, soudain environnée d’une ceinture de braves, Neroweg, échappé au désastre du marais de Peulven, Neroweg a fui en disant : — Quelle guerre ! quelle guerre ! — La nuit, il l’a passée, ainsi que son armée, de plus en plus amoindrie, la nuit il l’a passée sur les collines, où il ne redoutait pas d’embuscades. Voici l’aube ; la honte, la rage au cœur, songeant à sa déroute de la veille, le chef frank fait sonner trompettes et clairons. À la tête de ses guerriers il traverse de nouveau la jetée du marais ; il veut pénétrer de vive force dans la forêt de Cardik. Piétons et cavaliers foulent de nouveau les cadavres entassés dans la profondeur des tranchées ; aucune embuscade n’a retardé le passage des Franks. Au lever du soleil les dernières phalanges ont traversé le marais, toutes les troupes de Neroweg sont développées sur la lisière de la forêt ; elle sert de retraite aux Gaulois armoricains ; ils s’y sont retirés la veille. Ces bois séculaires s’étendent à l’ouest jusqu’aux bords escarpés d’une rivière qui se jette dans la mer, et à l’est, jusqu’à d’insondables précipices. Furieux de sa défaite de la veille, espérant piller les richesses enfouies au pied des pierres druidiques, le chef frank peut à peine contenir son ardeur farouche ; toujours accompagné du moine, grièvement blessé la veille, il s’avance vers la forêt : les chênes, les ormes, les frênes, les bouleaux pressent leurs troncs gigantesques, entrelacent leurs branchages ; entre ces troncs, ce ne sont que taillis, ronces, broussailles ; une seule route tortueuse s’offre à la