Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui dominaient cette route étroite, un aspect étrange ; on eût dit un gigantesque serpent à écailles de fer déployant ses replis sinueux dans un ravin creusé entre deux murailles de granit. La confiance des Franks, assez ébranlée au moment où ils s’engagèrent dans ce passage si propice aux embuscades, se raffermit bientôt. Déjà l’avant-garde, que précédaient Neroweg et le moine, approchait de l’issue du défilé de Glen-Clan, tandis que, commençant à peine à y entrer, les chariots de bagages, attelés de bœufs, se mettaient en mouvement suivis de l’arrière-garde, composée de cavaliers Thuringiens et d’archers Saxons. Les derniers chariots et la tête de l’arrière-garde entraient dans le défilé, lorsque soudain le cri lugubre d’un oiseau de nuit, cri semblable à ceux qui avaient salué l’approche des Franks, retentit de loin en loin sur la cime des deux escarpements ; aussitôt s’en détachant, poussés par des bras invisibles, plusieurs énormes blocs de rochers roulèrent, bondirent du haut en bas des montagnes avec le fracas de la foudre, tombèrent au milieu des chariots, et en broyèrent un grand nombre, écrasant ou mutilant leurs attelages. Les voitures brisées, les bœufs tués ou furieux de leurs blessures, s’affaissant ou se ruant les uns contre les autres, jetèrent un désordre effroyable dans l’arrière-garde des Franks, hors d’état d’avancer parmi ces obstacles, et ainsi séparée du gros des troupes, elle fut réduite à l’impuissance. Dans toute la longueur du défilé de Glen-Clan, des fragments de rochers roulèrent ainsi du haut des cimes, écrasant, décimant la file compacte des guerriers ; ce gigantesque serpent de fer, mutilé, coupé en plusieurs tronçons ensanglantés, grouillait convulsivement au fond du ravin, lorsque ses deux faîtes, se couronnant d’une foule de Bretons, jusqu’alors cachés, ceux-ci firent pleuvoir une grêle de flèches, d’épieux, de pierres, sur les cohortes franques éperdues, épouvantées, impuissantes et enserrées entre ces deux murailles de granit, du sommet desquelles nos rudes hommes envoyaient à l’ennemi une mort prompte et sûre. Vortigern commandait ces vaillants, son arc d’une main,