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s’agit d’une conquête spoliatrice et sanglante ! À côté de ce moine marche un guerrier de grande taille, revêtu d’une riche armure ; son bouclier blanc, sur lequel sont peintes trois serres d’aigle, pend à l’arçon de sa selle, une masse de fer pend de l’autre côté ; derrière ce chef frank s’avancent quelques cavaliers accompagnés d’une vingtaine d’archers saxons, reconnaissables à leurs larges carquois.

— Hugh, — dit le chef des guerriers à l’un de ses hommes, — prends avec toi deux cavaliers, cinq ou six archers te précéderont pour s’assurer que nous n’avons pas à craindre d’embuscade ; à la moindre attaque, repliez-vous sur nous en poussant le cri d’alarme. Je ne veux pas imprudemment engager le gros de ma troupe dans ce défilé. — Hugh obéit à son chef. Cette petite avant-garde, hâtant le pas malgré la pente rapide de la route tortueuse, disparut à l’un de ses tournants.

— Neroweg, la mesure est sage, — dit le moine ; — l’on ne saurait s’avancer avec trop de précaution dans ce maudit pays de Bretagne ; je l’habite depuis longtemps, je le connais.

— Ainsi, au sortir de ces défilés, nous entrerons dans un pays de plaine ?

— Oui, mais auparavant nous aurons à traverser le marais de Peulven et la forêt de Cardik ; puis nous arriverons aux vastes landes de Kennor, rendez-vous des deux autres corps d’armée de Louis-le-Pieux qui se dirigent vers ce point en traversant la rivière de la Vilaine et le défilé des monts Oroch, comme nous allons traverser celui-ci. Morvan, attaqué de trois côtés, est perdu.

— Je crains toujours de tomber dans quelque embuscade. Comment un passage aussi important que celui-ci n’est-il pas défendu ?

— Tu vas le comprendre. Je t’ai dit le plan de campagne de Morvan, tel qu’il m’a été livré par Kervor, excellent catholique, et chef des tribus du sud que nous venons de traverser sans rencontrer la moindre résistance.