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en faisant voltiger rapidement son fléau : — Caswallan, tu nous a promis un bardit ; repose-toi un peu et chante, cela nous donnera doublement cœur à l’ouvrage.

Le druide chrétien chanta Lez-Breiz, ce vieux bardit national (B), si doux à l’oreille des Bretons, et qui commence ainsi :

« — Entre un guerrier frank et Lez-Breiz, a été arrêté un combat en règle ; — Que Dieu donne la victoire au Breton et de bonnes nouvelles à ceux de son pays ! — Lez-Breiz disait à son petit serviteur, ce jour-là : — Éveille-toi, va me fourbir mon casque, ma lance et mon épée, je veux les rougir du sang des Franks ; je les ferai encore sauter aujourd’hui ! ». . . . . . . . . . . . . . . .

— Vieux Caswallan, — dirent les batteurs, lorsqu’il eut achevé son bardit, qui fit bouillonner leur sang d’une ardeur guerrière, — que les Franks maudits viennent nous attaquer encore, et nous dirons comme Lez-Breiz : À l’aide de nos deux bras, faisons-les encore sauter aujourd’hui. — À ce moment, les chiens des bergers, qui depuis quelques instants grondaient sourdement, aboyèrent soudain en se précipitant vers la porte de l’enceinte. Quelques instants après, Karouër parut précédant l’abbé Witchaire et ses deux moines, tous trois à cheval. — C’est ici la demeure de Morvan, — dit le guide à l’abbé, — tu peux mettre pied à terre.

— Quelles sont ces torches que je vois là-bas ? — demanda le prêtre, en descendant de sa monture qu’il remit à l’un des deux moines, — quel est ce bruit sourd que j’entends ?

— C’est celui des fléaux ; sans doute Morvan bat le grain de sa moisson. Viens, je vais te conduire auprès de lui. — L’abbé Witchaire et son guide s’approchèrent du groupe de laboureurs éclairé par les torches ; Morvan, occupé à sa besogne et assourdi par le bruit retentissant des fléaux, ne put entendre les pas des nouveaux venus. Karouër ayant frappé sur l’épaule du chef des chefs pour attirer son attention, il se retourna et dit au guide : — Ah ! c’est toi ; et notre homme ?