Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses terres avec lui, hommes, femmes et enfants, au nombre de trente personnes environ, s’assirent à une longue table dressée dans une grande salle, servant à la fois de cuisine, de réfectoire et de lieu de réunion pour les veillées d’hiver. Aux murailles étaient suspendus des armes de chasse et de guerre, des filets de pêche, des brides et des selles de chevaux. Quoiqu’on fût en plein été, telle était la fraîcheur de ce pays de bois et de montagnes, que la chaleur, du foyer, devant lequel avaient grillé les viandes du souper, agréait fort aux moissonneurs. Sa flamboyante clarté se joignait à celle des torches de bois résineux plantées dans des bras de fer scellés à la muraille. Lorsque les laboureurs eurent pris leur repas, Morvan se leva le premier de table en disant : — Maintenant, mes enfants, au travail !… La nuit est sereine, nous battrons le blé sur l’aire extérieure de la grange. Deux ou trois torches plantées entre les pierres de la margelle du puits nous éclaireront en attendant le lever de la lune. Nous aurons achevé notre besogne vers une heure de la nuit, nous dormirons jusqu’au point du jour, et nous retournerons aux champs pour achever la moisson.

Les torches, placées au bord du puits, jetèrent leurs vives lueurs sur une partie de la cour et des bâtiments renfermés dans l’enceinte fortifiée. Hommes, femmes, enfants, commencèrent de décharger les chariots remplis de gerbes, tandis que ceux qui devaient battre le grain, et parmi eux Morvan, Vortigern et le vieux Caswallan, attendaient les gerbées le fléau à la main, n’ayant, pour se trouver plus à l’aise, conservé que leurs braies et leurs chemises. Les premières gerbes furent apportées au milieu de l’aire, et aussitôt retentit le bruit sourd et précipité des fléaux, vigoureusement maniés par les robustes bras des laboureurs. Dans l’appréhension d’une guerre prochaine, les Bretons se hâtaient de moissonner et d’engranger, afin de soustraire leur récolte sur pied aux ravages de l’ennemi et aussi de l’affamer, car les grains devaient être enfouis dans des cavités recouvertes de terre. Morvan, dont le front se mouillait déjà de sueur, dit