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dant que nous battrons le blé, toi et Noblède, vous nous chanterez quelque chanson… Caswallan nous dira quelque vieux bardit, et, de temps à autre, l’on défoncera une tonne d’hydromel pour réconforter les travailleurs.

— Vortigern, — dit en souriant le druide chrétien, — crois-tu donc mes bras tellement affaiblis par l’âge, que je ne puisse plus manier un fléau ?

— Et nous donc ? — reprit gaiement Josseline, — nous, filles et femmes de laboureurs, avons-nous donc perdu l’habitude d’apporter les gerbes sur l’aire ou d’ensacher le grain ?

— Et nous donc ? — dirent à leur tour le petit Ewrag et son frère Rosneven, — est-ce qu’à nous deux nous ne pourrons pas traîner une gerbe, dis, père ?

— Oh ! vous êtes des vaillants, chers petits, — reprit Vortigern en embrassant ses enfants, tandis que Morvan disait à sa femme :

— Noblède, n’oublie pas de faire porter quelques vivres dans la chambre des hôtes.

— Attendez-vous donc des hôtes, Morvan ? — demanda gaiement Josseline. — Bien-venus ils seraient ; ils nous aideraient à battre le grain.

— Ma douce Josseline, — répondit en souriant le chef des chefs, — les hôtes que j’attends mangent le plus pur froment, mais jamais ils ne se donnent la peine de le semer et de le récolter.

— La chambre des hôtes est préparée, — reprit Noblède, — le sol jonché de feuilles fraîches… Hélas ! personne n’y a logé depuis les derniers jours qu’elle a été occupée par notre aïeul Amael.

— Digne grand-père ! — reprit Vortigern en soupirant. — Il n’est venu chez vous que pour y languir quelques semaines et s’éteindre.

— Que sa mémoire soit bénie comme sa vie ! — dit Josseline. — Je l’ai connu pendant bien peu de temps, mais je l’aimais et je le vénérais comme un père.

Bientôt la famille de Morvan et tous ceux de sa tribu qui cultivaient