fern où demeure Morvan, le laboureur, chef des chefs de la Bretagne.
— Es-tu certain qu’il soit à sa métairie ?
— Un laboureur revient toujours à sa métairie après le soleil couché.
— Le connais-tu ce Morvan ?
— Je suis de sa tribu ; J’ai guerroyé avec lui lors de nos dernières guerres contre les Franks, du vivant de Karl, leur empereur.
— Ce Morvan est marié, dit-on ?
— Sa femme Noblède le vaut par sa vaillance. Elle est de la race de Joel, c’est tout dire.
— Qu’est-ce que Joël ?
— Un des plus braves hommes dont l’Armorique ait gardé le souvenir. Sa fille Hêna, la vierge de l’île de Sèn, a offert sa vie en sacrifice pour le salut de la Gaule, lorsque les Romains ont envahi ce pays, comme les Franks l’ont envahi, et veulent, dit-on, l’envahir encore.
— Vous vous attendez donc à ce que Louis-le-Pieux, fils du grand Karl, vous déclare la guerre ?
— Depuis que tu as passé nos frontières, as-tu vu des préparatifs de bataille ?
— J’ai vu les laboureurs aux champs, les bergers conduisant leurs troupeaux, les cités ouvertes et paisibles ; mais l’on sait qu’en votre pays, au premier signal, bergers, bûcherons, laboureurs et citadins deviennent soldats.
— Oui, quand on les attaque.
— Ainsi, vous vous attendez à être attaqués ?
Karouër regarda fixement l’abbé, sourit d’un air sardonique, ne répondit rien, siffla entre ses dents, et faisant machinalement tournoyer son pen-bas, il devança d’un pied léger les trois moines.
La nuit s’approchait ; Karouër et ceux qu’il guidait ayant marché durant tout le jour, arrivèrent à l’un des points culminants de la route montueuse qu’ils suivaient, lorsque soudain l’abbé Witchaire,