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du paradis, vous promet de vous ouvrir toutes grandes les portes du séjour éternel ?

— N’est-ce pas justice ? ne les ai-je pas assez richement dorées les clefs de leur paradis ?… Ah ! tu me demandes ce que je trouve d’amusant chez ces prêtres que je rémunère royalement ? lis tout haut ce que contient ce parchemin ; je me sens en gaieté aujourd’hui… Allons, lis.

— Madame, voici : « Grégoire, à Brunehaut, reine des Franks. — La manière dont vous gouvernez le royaume et l’éducation de votre fils attestent les vertus de votre excellence… » Chrotechilde ne put continuer ; elle poussa un éclat de rire diabolique en regardant Brunehaut qui fit chorus d’hilarité avec sa confidente ; celle-ci reprit se contenant à peine : — Par ma foi, madame, vous avez raison, lire de telles choses écrites de la main du pape, le pieux Grégoire, c’est là un divertissement que l’on ne saurait payer trop cher… Je continue, nous en étions, je crois, madame, à vos vertus…

— Nous en étions à mes vertus…

— Donc je reprends : « … L’éducation que vous donnez à votre fils atteste les vertus de votre excellence, vertus que l’on doit louer et qui sont agréables à Dieu ; vous ne vous êtes point contentée de laisser intacte à votre fils la gloire des choses temporelles, vous lui avez aussi amassé les biens de la vie éternelle, en jetant dans son âme les germes de la vraie foi avec une pieuse sollicitude maternelle (J). »

Et les deux vieilles de rire de nouveau, de rire tant et tant, ces deux monstres, que les larmes leur vinrent aux yeux, après quoi Brunehaut dit à sa confidente : — Va, Chrotechilde… je me suis fait lire souvent les comédies satiriques des Romains… jamais celles de Plaute et de Térence ne vaudront celles que jouent chaque jour devant moi ces odieux hypocrites pour gagner les richesses dont je les comble.

— C’est la vérité, madame, ce sont de fières comédies que les leurs ; ils mettent Dieu en scène !