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— Rien.

— Écoute à ton tour. Tantôt tu m’as, au nom de ton peuple, dit ceci : Karl, retire tes troupes de notre pays, et j’engage la foi bretonne que durant ta vie, nous ne sortirons pas de nos frontières.

— Oui, cette offre, je te l’ai faite : je te la fais encore.

— Je l’accepte.

— Tu agis en homme sage. Sois fidèle à ta foi, nous serons fidèles à la nôtre.

— Ta main, Amael… ta main loyale.

— La voici, Karl, et qu’elle soit la main d’un traître si notre peuple parjure sa promesse ! Nous vivrons en paix avec toi ; si tes descendants respectent nos libertés, nous vivrons en paix avec eux.

— Amael, c’est dit et juré.

— Karl, c’est dit et juré.

— Maintenant, toi et ton petit-fils, au lieu de retourner à Aix-la-Chapelle, vous passerez la nuit dans le pavillon de la forêt ; demain, au point du jour, je vous enverrai vos bagages et une escorte chargée de vous accompagner jusqu’aux frontières de l’Armorique, et vous vous mettrez en route sans retard.

— Tu peux y compter.

— Je vais retourner au pavillon, seul avec ma fille, lui promettant, afin de ne pas la désespérer, que demain elle verra Vortigern. Je dirai à mes courtisans que je l’ai trouvée seule dans cette hutte : hélas ! les médisances des cours sont cruelles ; on n’y croit guère à l’innocence, et si l’on savait que Thétralde a passé une partie de la nuit dans ce réduit avec ton petit-fils, on dirait déjà d’elle ce qu’on dit de ses sœurs ! — Et portant sa main à ses yeux humides, l’empereur des Franks ajouta douloureusement : — Ah ! mon cœur de père saigne souvent ; j’ai trop aimé mes filles, j’ai été trop indulgent ! Et puis mes guerres continuelles au dehors de mon royaume, les affaires de l’État m’empêchaient de veiller sur mes enfants. Cependant, en mon absence, je les laissais aux mains des prêtres ! elles ne