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presque sans réfléchir, car j’agissais vraiment comme malgré moi, je donne un coup de houssine à ma haquenée pour rejoindre Vortigern. Hildrude me suit, elle veut me dépasser ; oh ! alors cela m’irrite ; je frappe son cheval à la tête ; il fait un écart, emporte ma sœur dans une autre allée ; j’arrive seule auprès de Vortigern. Le brouillard, la pluie, et bientôt la nuit nous surprennent ; nous remarquons cette hutte de bûcheron et un foyer à demi éteint ; alors nous nous disons : nous ne pouvons retrouver notre chemin, passons la nuit ici ! Par bonheur, nous voyons des châtaignes tombées des arbres ; nous les ramassons, nous les faisons cuire sous la cendre, mais nous avons oublié de les manger…

— Parce que vous étiez trop fatigués, sans doute ?… de sorte que, pour prendre du repos, tu t’es couchée, toi sur cette mousse, et ce garçon en travers du seuil ?

— Oh ! non, mon père… avant de nous endormir, nous avons beaucoup causé, beaucoup disputé, et c’est en disputant ainsi que nous avons oublié nos châtaignes… puis le sommeil nous a pris, et nous nous sommes endormis.

— Mais à quel propos toi et ce garçon vous êtes-vous disputés, ma fille ?

— Hélas ! j’avais eu des pensées mauvaises… ces pensées, Vortigern les combattait de toutes ses forces, et, à ce propos, nous nous sommes disputés ; pourtant, au fond, vois-tu, il avait raison ; car tu ne pourras jamais le croire. Je voulais fuir Aix-la-Chapelle, et aller en Bretagne avec Vortigern… pour nous y marier.

— Me quitter… ma fille… me quitter ? moi qui t’aime si tendrement !

— C’est ce que m’a répondu Vortigern. « — Thétralde, y songes-tu ? quitter ton père, qui te chérit, — me disait-il. — Quoi ! tu aurais le triste courage de lui causer ce cruel chagrin ? Et moi qu’il a traité, ainsi que mon aïeul, avec bonté, je serais ton complice ! Non, non ; d’ailleurs je suis ici prisonnier sur parole ; prendre