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bois, il t’a fallu envoyer dans la Gaule armoricaine tes vieilles bandes des guerres de Saxe et de Bohême !

— Oui ! — s’écria l’empereur avec dépit ; — et afin de maintenir ton maudit pays en obéissance, il me faut y laisser mes troupes d’élite, qui d’un moment à l’autre me feront faute en Germanie !

— Ceci est pour toi déplaisant, Karl, j’en conviens, et sans parler des invasions maritimes des North-mans, les Bohémiens, les Hongrois, les Bavarois, les Lombards et autres peuples conquis par tes armes sont, comme les Bretons, vaincus, mais non soumis ; d’un moment à l’autre, ils peuvent se soulever de nouveau, et, chose grave, menacer le cœur de ton empire. Nous autres, au contraire, nous ne demandons qu’à vivre libres et en paix, sans sortir de nos frontières.

— Et qui me le garantira ? Qui me dit qu’une fois mes troupes hors de ton infernal pays, vous ne recommencerez pas vos excursions, vos attaques contre les troupes franques cantonnées en dehors de vos limites ?

— Ce serait notre droit.

— Votre droit !

— Les autres provinces sont gauloises comme nous, notre devoir est de les provoquer, de les aider à briser le joug des rois franks ; mais les gens sensés pensent que le moment n’est pas venu. Depuis quatre siècles, les prêtres catholiques ont façonné les populations à l’esclavage ; des siècles se passeront, hélas ! avant qu’elles se réveillent ; mais écoute, Karl, tu as confiance en ma parole et en mon influence sur mes compatriotes ?

— Ne voulais-je pas te renvoyer vers eux ?

— Tu l’avoues, il est dangereux pour toi, d’être forcé de maintenir en Bretagne une partie de tes meilleures troupes ?

— Où veux-tu en venir ?

— Rappelle ton armée, je te donne ma parole de Breton, et je suis autorisé à te la donner au nom de nos tribus, que, jusqu’à ta mort, nous ne sortirons pas de nos frontières.