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— C’est dommage !

— Pourquoi ?

— Si cela n’eût pas été un talisman, Thétralde, je t’aurais demandé, en souvenir de ce jour-ci, ces deux petites pièces qui disent ton âge.

— À quoi bon garder un souvenir de ce jour-ci plutôt que des autres jours ? Ne désires-tu pas, comme moi, que tous se ressemblent ? Mais si tu désires ces petites pièces, prends-les, mets-les seulement de côté, tu les conserveras soigneusement. Un talisman est toujours chose très-utile pour un long voyage. Tiens, place-les à part, dans la pochette de ton justaucorps.

Vortigern obéit presque machinalement, tandis que la jeune fille, après avoir compté ingénûment son petit trésor, reprit : — Nous avons cinq sous d’or, huit deniers d’argent et douze deniers de cuivre, de plus mes bracelets, mon collier, mes boucles d’oreilles ; crois-tu qu’avec cela nous aurons assez d’argent pour voyager jusqu’en Bretagne ?

— Quoi, Thétralde !… tu voudrais ?…

— Laisse-moi donc achever ; ton cheval est excellent, ma haquenée vigoureuse ; tout à l’heure, la nuit sera venue, nous la passerons abrités dans cette hutte. L’esclave bûcheron qui s’y retire durant le jour, y reviendra demain à l’aube ; nous lui donnerons un sou d’or pour qu’il nous conduise à Worsten, petit bourg situé sur la lisière de la forêt, à deux lieues d’Aix-la-Chapelle. Nous y achèterons pour moi des vêtements simples, une bonne mante de voyage en drap…

— Thétralde, écoute-moi…

— Je t’écouterai lorsque j’aurai parlé. Donc, nous nous mettons en route demain au point du jour. Ne crois pas que je redoute la fatigue ; je ne suis ni aussi grande ni aussi forte que ma sœur Hildrude, et pourtant si tu étais fatigué, blessé, je suis sûre que je te porterais sur mon dos comme ma sœur aînée Imma a porté jadis Eginhard, son amant ; mais voici nos châtaignes écossées, viens