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— Vortigern, cette pensée me ravirait !

— Et moi aussi, Thétralde.

La jeune fille se tut, resta pensive, tenant entre ses doigts délicats une gousse de châtaignes à demi ouverte, puis, après quelques instants de silence, elle reprit : — Vortigern, y a-t-il loin, très-loin d’ici à ton pays ?

— D’ici en Bretagne ?

— Oui.

— À cheval, nous avons mis plus d’un mois à venir.

— Vortigern, quel joli voyage nous ferions !

— Quoi ! que dis-tu ?

Thétralde fit un geste d’impatience rempli de gentillesse, ordonna par un signe à Vortigern de garder le silence et reprit : — As-tu de l’argent, toi ?

— Non.

— Il me reste encore là, dans cette pochette, quelques pièces, car en venant du palais à la forêt, j’ai presque tout donné aux pauvres gens. Détachant alors de sa ceinture un petit sac brodé, Thétralde en vida sur ses genoux le contenu : il s’y trouvait plusieurs pièces d’or assez grosses, et un plus grand nombre de petites pièces d’argent et de cuivre. Deux de ces dernières, l’une en argent, l’autre en cuivre, et tout au plus de la grandeur d’un denier, étaient percées et reliées ensemble par un fil d’or.

— Qu’est-ce que ces deux petites pièces attachées ensemble ? — dit Vortigern, avec un regard de curiosité.

— Oh ! celles-là, il ne faudra pas les dépenser, nous les garderons précieusement. Je les ai fait attacher ensemble, sais-tu pourquoi ? L’une, celle de cuivre, a été frappée l’année de ma naissance ; l’autre, celle d’argent, a été frappée cette année-ci, où je vais avoir quinze ans. Fabius, l’astronome de mon père, a gravé sur ces pièces certains signes magiques correspondant aux astres dont l’influence est heureuse ; l’évêque d’Aix-la-Chapelle les a ensuite bénites : c’est un talisman.