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l’arçon de sa selle, afin de pouvoir se dévêtir de sa saie. Thétralde lui dit : — Que fais-tu donc ?

Vortigern, sans répondre, ôta sa saie, restant vêtu d’un justaucorps d’épaisse toile blanche comme ses larges braies. — J’ai consenti à prendre votre écharpe, — dit-il à la fille de l’empereur, — vous allez me laisser vous couvrir de ma saie, en nouant ses manches sous votre cou ; elle vous servira de manteau et vous garantira de la pluie.

— Mais toi-même, avec ce justaucorps de toile, tu seras beaucoup plus mouillé que moi.

— Ne craignez rien ; je suis habitué aux intempéries des saisons. J’ai accepté votre écharpe, prenez ma saie.

— Alors, attache-la sur mes épaules, — répondit Thétralde en rougissant. — Je n’ose abandonner les rênes de ma haquenée.

Vortigern, non moins ému que sa compagne, se rapprocha et posa la tunique sur les épaules de Thétralde ; mais lorsqu’il s’agit de nouer les manches du vêtement sous le cou, et presque sur le sein palpitant de la jeune fille, qui, les yeux baissés, la joue incarnate, levait, autant que possible, son petit menton rose, afin de donner à Vortigern toute facilité pour l’accomplissement de son obligeant office, les mains de l’adolescent tremblèrent si fort, si fort… que, par deux fois, il se reprit à nouer les manches.

— Vois-tu, comme tu as froid, — dit Thétralde ; — tu frissonnes encore plus fort que tout à l’heure.

— Oh ! ce n’est pas de froid que je tressaille…

— Qu’as-tu donc alors ?

— Je ne sais… l’inquiétude où je suis pour vous ; car la nuit approche… Cette pluie augmente, et nous ne savons quel chemin prendre.

Soudain, Thétralde, interrompant son compagnon, poussa un cri de joie, et dit en tendant la main vers l’un des côtés de l’allée qu’ils suivaient : — Vois donc là-bas, cette hutte.