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— Tu me refuses ? — dit tristement Thétralde en tenant toujours à la main la ceinture qu’elle présentait à Vortigern ; puis, attachant sur lui ses beaux yeux bleus, presque suppliants : — Je t’en prie, ne me refuse pas !

Le jeune Breton, vaincu par ce timide et gracieux regard, accepta l’écharpe ; mais, tenant en main les rênes de son cheval, il se trouvait fort empêché pour attacher cette ceinture en sautoir.

— Attends, — lui dit Thétralde, et approchant sa haquenée tout près du cheval de Vortigern, elle se pencha sur sa selle, prit les deux bouts de l’écharpe, les noua derrière le cou du jouvenceau. Il sentit ainsi les mains de la jeune fille effleurer ses cheveux ; il tressaillit si vivement, que Thétralde lui dit en achevant le nœud : — Tu trembles…

— Oui, — répondit Vortigern avec un trouble croissant. — Le brouillard devient si épais, si humide… Et vous-même, n’avez-vous pas froid ?

— Moi… oh ! non… Mais puisque tu as froid, nous allons, si tu le veux, marcher au pas de nos chevaux. Il est inutile d’aller plus vite… Peut-être la chasse que nous cherchons reviendra-t-elle de ce côté.

— Puissions-nous avoir ce bonheur ! — répondit le jeune Breton avec un soupir. Les deux enfants continuèrent de s’avancer côte à côte et au pas dans cette longue avenue, où l’on ne distinguait rien à vingt pas de distance, tant le brouillard devenait épais ; la nuit approchait. Thétralde reprit au bout de quelques instants de silence : — Ton aïeul a l’air très-bon et très-vénérable.

— Aussi je l’aime autant que je le vénère.

— Et ton père ?

— Il est mort !

— Quoi ! tu n’as plus ton père !… Et ta mère, vit-elle encore ?

— Oh ! oui… heureusement !

— Est-ce que tu lui ressembles ?