Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le succès de sa demande, et lui dit gracieusement : — Mon aimable seigneur, l’évêché de Limbourg est vacant ; je l’ai promis à un clerc que je protège, ne doutant pas de votre approbation.

— Chère Mathalgarde, je n’ai rien à vous refuser ; mais j’ai donné l’évêché à un jeune homme… et je ne saurais le lui reprendre.

Mathalgarde, prenant alors sa voix la plus insinuante, la plus douce, saisit une des mains de l’empereur et ajouta tendrement : — Auguste prince, mon gracieux maître, pourquoi si mal placer cet évêché, en le donnant à un jeune homme, à un enfant, sans doute ?… Je vous en conjure, accordez l’évêché à mon clerc ; vous n’avez pas de serviteur plus dévoué.

Soudain une voix lamentable, sortant de derrière le rideau, s’écria au grand étonnement des assistants : — « Seigneur empereur, tenez ferme !… ne souffrez pas que personne arrache de vos mains la puissance que Dieu vous a donnée… Tenez ferme ! auguste prince ! tenez ferme (EE) ! » C’était la voix du pauvre Bernard, qui, craignant de voir Karl se laisser séduire par les paroles caressantes de Mathalgarde, le rappelait ainsi à ses promesses. Alors l’empereur, écartant le rideau derrière lequel se tenait le clerc, le prit par la main, et dit en le présentant à l’assistance : — Voici le nouvel évêque de Limbourg… — Et s’adressant à Bernard : — N’oublie jamais de distribuer d’abondantes aumônes… ce sera un jour ton viatique pour ce long voyage dont on ne revient pas (FF).

La belle Mathalgarde, ainsi trompée dans son espérance, rougit de dépit et sortit brusquement de l’appartement, bientôt suivie par les courtisans, non moins déçus, et par l’évêque de Bergues, qui, sans le vouloir, avait si chèrement payé au bénéfice des pauvres un humble rat de ratière.

— Seigneur Breton, — dit l’empereur en faisant signe à Amael de s’approcher de la fenêtre qu’il ouvrit, afin de sortir sur le balcon pour y jouir de la douce chaleur du soleil d’automne, — trouves-tu