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— Je ne sais trop… je crois que oui, — répondit le jeune Breton en balbutiant, et il devint cramoisi, songeant, malgré lui (et ce n’était pas la première fois depuis la veille) à la charmante fille aux cheveux blonds. — Il me semble, — ajouta-t-il, — que j’ai vu tomber ces bouquets.

— Ah ! il te semble, hypocrite !… C’est pourtant mon coup de houssine qui les a fait tomber, ces deux jolis bouquets ! Et sais-tu quelles impériales mains les ont jetés aux pieds de ton cheval, comme un hommage à ton adresse et à ton courage ?

— Que dis-tu ? ces bouquets ont été jetés par des mains impériales ?

— Naturellement, puisque Thétralde, la timide enfant blonde, et Hildrude, la grande et hardie brune, sont toutes deux filles de Karl : l’une était vêtue de vert, couleur de ta saie ; l’autre, vêtue d’orange, couleur de tes broderies… Par Vénus ! n’es-tu pas un mortel favorisé ?

Amael, occupé à l’autre extrémité de la chambre, n’entendit pas ces paroles d’Octave, qui rendirent Vortigern aussi écarlate que l’étoffe de son chaperon ; puis, ces préparatifs de présentation terminés, les deux otages suivirent leur guide pour se rendre auprès de l’empereur. Après avoir traversé un nombre infini de couloirs et d’escaliers, où ils rencontrèrent plus de femmes que d’hommes, car le nombre de femmes logées dans la palais impérial était prodigieux, ils arrivèrent dans des salles immenses. Décrire leur somptueuse magnificence serait non moins impossible que d’énumérer les peintures dont elles étaient ornées. Des artisans, venus de Constantinople, où florissait alors l’école de peinture Byzantine, avaient couvert les murailles de compositions gigantesques : ici, l’on voyait les conquêtes de Cyrus sur les Perses ; là, les crimes du tyran Phalaris, assistant au supplice de ses victimes, que l’on entraînait pour être brûlées vivantes dans l’intérieur d’un taureau d’airain rougi au feu ; ailleurs, c’était la fondation de Rome par Rémus et Romulus, les conquêtes d’Alexandre, d’Annibal, et tant d’autres sujets héroïques ;