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colossale. À peine arrivé en face du portique principal, il descendit lourdement de cheval et courut tout boitant vers le groupe de femmes qui l’attendaient sous le portique, leur criant joyeusement d’une petite voix grêle et glapissante, qui contrastait étrangement avec son énorme stature : — Bonjour, fillettes ! bonjour, chères filles ! — Et, sans s’occuper de répondre aux vivats de la foule et aux saluts respectueux des évêques et des grands, accourus sur son passage, l’empereur Karl, ce géant de fer, disparut dans l’intérieur du palais, et fut suivi de sa cohorte féminine.




Amael et son petit-fils, conduits par Hildebrad dans l’une des chambres hautes du palais, s’y reposèrent ; l’on y apporta leur modeste bagage ; on leur servit à souper, et ils se couchèrent. Au point du jour, Octave vint frapper à la porte du logis des deux Bretons, et leur apprit que l’empereur voulait les voir à l’instant. Il engagea Vortigern à se vêtir de sa plus belle saie. Le jouvenceau n’avait guère de choix ; il ne possédait que deux vêtements, celui qu’il portait en route et un autre de couleur verte, brodé de laine orange. Cependant, grâce à ce vêtement frais et neuf, mélangé de couleurs harmonieuses, que rehaussaient sa charmante figure, sa taille élégante et sa bonne grâce, Vortigern parut à Octave digne de paraître honorablement devant le plus puissant empereur du monde. Le centenaire ne put s’empêcher de sourire avec un certain orgueil, en entendant vanter la tournure de son petit-fils par le jeune Romain qui lui conseillait de serrer plus étroitement encore le ceinturon de son épée, sous ce prétexte : que lorsque l’on avait la taille fine, il était juste de la faire valoir. Octave, en donnant avec sa bonne humeur accoutumée ses avis à Vortigern, lui dit tout bas : — As-tu vu tomber hier aux pieds de ton cheval deux bouquets de romarin ?