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première guerre de l’empereur contre ton pays ; les plus charmantes femmes voulaient les voir, ces indomptables Bretons, que le grand Karl, seul, avait pu vaincre : leur air rude et fier, l’intérêt qui s’attachait à leur glorieuse défaite, tout, jusqu’à leur costume étrange, encore aujourd’hui le tien, tout attirait sur eux les regards et la sympathie des femmes, toujours fort sympathiques en Germanie. Ces belles enthousiastes sont à cette heure mères ou grand’mères ; heureusement elles ont des filles ou des petites-filles dignes de t’apprécier. Tiens, moi, qui connais la cour et les mœurs de la cour, je voudrais, avec tes dix-huit ans, ta bonne mine, ta blessure, ta grâce à cheval et ton renom de Breton, je voudrais, avant huit jours…

Le jeune Romain fut interrompu par Amael, qui, se retournant vers son petit-fils, en étendant la main à l’horizon, lui dit : — Regarde au loin, mon enfant ; voici la ville d’Aix-la-Chapelle.

Vortigern se hâta de se rendre auprès de son aïeul, dont, pour la première fois peut-être, il évita le regard avec un certain embarras. Les conseils d’Octave lui semblaient mauvais, dangereux ; cependant il se reprochait de les avoir écoutés avec complaisance. Rejoignant Amael, il jeta les yeux du côté que lui indiquait le vieillard, et vit, à une assez grande distance, une masse imposante de bâtiments, non loin desquels s’élevaient les hautes tours d’une basilique ; puis, au delà, il aperçut les toits et les terrasses d’une multitude de maisons, se perdant, à l’horizon, dans la brume du soir : c’était le palais de l’empereur Karl, la basilique et la ville d’Aix-la-Chapelle. Vortigern contemplait avec curiosité ce tableau nouveau pour lui, lorsque Hildebrad, qui, pendant un moment, était allé interroger le conducteur d’un chariot passant sur la route, dit aux deux Bretons : — On attend l’empereur d’un moment à l’autre au palais ; ses coureurs ont annoncé sa venue ; il arrive d’un voyage dans le nord de la Gaule ; tâchons de le devancer à Aix-la-Chapelle, afin de pouvoir le saluer dès son arrivée.

Les cavaliers pressèrent l’allure de leurs chevaux, et, avant le cou-