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fils ! J’ai tout entendu : je sais les nouvelles faveurs que Karl t’offrait. À cette heure du moins, c’est volontairement que tu renonces à un sort brillant qui aurait pu de nouveau t’éblouir.

— M’éblouir ? Non, ma mère ; vous étiez près de moi… et là-bas, je voyais les frontières de la Bretagne !

— Ah ! — s’écria la matrone gauloise en serrant Amael avec un attendrissement ineffable, — ce jour me fait oublier tout ce que j’ai souffert.

— Ma mère, voilà, depuis dix ans, mon seul jour de bonheur pur et sans mélange !

— Vous le voyez, il ne fallait pas douter du cœur de votre fils, — dit Septimine à Rosen-Aër avec une grâce touchante. — Moi, je n’en ai jamais douté.

— Septimine ! — reprit Amael en attachant sur sa Coliberte un regard attendri, — ce cœur, dont vous n’avez jamais douté, en douteriez-vous pour l’avenir ?

— Non, Amael, — répondit-elle naïvement en regardant le jeune homme d’un air timide et surpris ; — mais pourquoi cette question ?

— Ma mère, cette douce et courageuse enfant vous a sauvé la vie, la voilà fugitive, à jamais séparée sans doute des siens. Si elle consentait à m’accorder sa main, la prendriez-vous pour votre fille ?

— Oh ! avec joie ! avec reconnaissance ! — dit Rosen-Aër — Mais à cette union consentirais-tu, Septimine ?

La Coliberte, rougissant de surprise, de bonheur et de douce confusion, se jeta au cou de la mère d’Amael et cacha son visage dans son sein en murmurant :

— Je l’ai aimé du jour où il s’est montré si généreux pour moi au couvent de Saint-Saturnin.

— O Rosen-Aër ! — reprit le vieillard jusqu’alors plongé dans un silencieux recueillement : — les dieux ont béni ma vieillesse, puisqu’ils lui réservaient un tel jour. — Puis, après quelques instants d’une muette émotion que partagèrent les jeunes apprentis, le