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et fouillaient le sol ; le premier, d’un noir d’ébène, brillait de reflets bleuâtres ; l’autre, d’un blanc de neige, brillait de reflets argentés ; leurs naseaux frémissaient, leurs yeux étincelaient sous leur longue crinière, et ils fouettaient l’air de leur queue flottante comme un panache.

— Heim ! — reprit Bertchramm, — qu’en dis-tu, Berthoald ?

— Ce sont de nobles coursiers ! — répondit Amael en étouffant un soupir dont il eut honte ; et, faisant signe aux esclaves de couvrir les étalons de leurs housses de pourpre brodée, il murmura : — Adieu, beaux chevaux de bataille ! adieu, riches armures ! — Puis s’adressant au guerrier frank : — Heureux voyage je te souhaite, Bertchramm… au revoir !

— Mais j’y songe, Berthoald, si tes hommes refusaient de nous recevoir dans l’abbaye en ton absence !

— Ne crains pas cela, et d’ailleurs, fais mieux, garde cette lettre de Karl, tu pourras ainsi donner à mes hommes connaissance de ses volontés, tu briseras toi-même le sceau devant eux.

— Tu as raison ; je vais donc, Berthoald, te remplacer à l’abbaye ; le logis doit être avantageux ? Ces tonsurés font bien leur nid. Et puis, si Karl t’avait octroyé ce monastère, à toi, son favori, c’est que le morceau était bon. Ainsi, à bientôt, Berthoald !

— Un mot encore… ces troupes cantonnées près des frontières de Bretagne, quels chefs les commandent ?

— Deux de nos amis, Hermann et Gondulf ; ils m’ont prié de te porter leurs saluts.

— Et maintenant au revoir, Bertchramm !

— Au revoir, Berthoald !

Le chef des guerriers franks s’étant remis en marche, suivi de sa troupe et de ses bagages, s’éloigna, et bientôt disparut aux yeux des fugitifs. Amael se rapprocha de l’arbre sous lequel étaient réunis ses compagnons de route. À peine eut-il fait quelques pas au devant de sa mère, qu’elle lui tendit les bras, en disant : — Viens, mon