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avant-garde dans la guerre qu’il va faire contre les Frisons, guerre qu’il ne comptait entreprendre qu’au printemps : — « Foi de Marteau, — nous a t-il dit, — j’étais fou en confinant dans une abbaye l’un de mes plus jeunes et plus hardis capitaines, en ces temps où il faut si souvent guerroyer à l’improviste ; et puis, c’est surtout depuis que je n’ai plus Berthoald à mes côtés, que je sens combien il me manque : le poste que je lui ai donné sans savoir que j’aurais à combattre sitôt les Frisons est d’ailleurs un poste de vétéran ; il te convient mieux à toi qu’à lui, vieux Bertchramm ; va donc remplacer Berthoald et ses hommes ; tu lui remettras cette lettre de moi, et, en gage d’amitié constante, tu lui mèneras deux de mes meilleurs chevaux, pris sur les Arabes, afin qu’il soit plus tôt de retour près de moi ; de plus, tu lui porteras, de ma part, une magnifique armure de Bordeaux. Il aime les belles armes et les beaux chevaux, il sera content. » — Et, de fait, Berthoald, — ajouta Bertchramm, — tu vas voir les chevaux ; ils sont là, conduits en main par des esclaves ; l’on ne peut rien imaginer de plus admirable : l’un est noir comme l’aile d’un corbeau, l’autre blanc comme un cygne. Quant à l’armure, Karl l’avait fait acheter pour lui-même, c’est tout dire… Elle est soigneusement emballée dans mes bagages, je ne peux te la montrer ; mais c’est un chef-d’œuvre du plus fameux armurier de Bordeaux ; elle est enrichie d’ornements d’or et d’argent ; le casque seul est une merveille ; quant aux chevaux, tu vas en juger, — ajouta Bertchramm en s’adressant à l’un de ses hommes. — Que l’on amène les deux chevaux !

— Je suis touché de cette nouvelle preuve de l’affection de Karl, — répondit Amael. — Je me rendrai à ses ordres lorsque j’aurai accompli ma mission.

— Mais il veut que tu ailles le rejoindre sur-le-champ, ainsi que tu vas le lire dans sa lettre que j’ai placée précieusement sous ma cuirasse, — ajouta le guerrier en cherchant le parchemin.

— Karl ne regrettera pas de me voir arriver un jour ou deux plus