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(Et maintenant, ô vous ! descendants de Joel, qui en ce moment allez continuer de lire ce récit, le dégoût, l’horreur, l’épouvante que vous éprouverez n’égalera jamais le dégoût, l’horreur, l’épouvante dont je suis saisi en écrivant la scène sans nom qui va se passer entre ces deux exécrables vieilles. )




— Madame, — dit Chrotechilde à Brunehaut, — à qui donc destinez-vous celle des deux esclaves que vous voulez acheter ?

— Tu me le demandes ?

— Oui, madame…

— Chrotechilde… l’âge affaiblit ta pénétration habituelle… c’est fâcheux…

— Madame, expliquez-vous !…

— Il faut que j’éprouve jusqu’où peut aller ce manque d’intelligence si nouveau chez toi…

— En vérité, madame, je m’y perds…

— Dis-moi, Chrotechilde, lorsque mon fils Childebert est mort assassiné par Frédégonde, il m’a laissé, n’est-ce pas, la tutelle de mes deux petits-fils Thierry et Theudebert ?

— Oui… madame… mais moi je vous parlais de ces esclaves…

— Justement… mais écoute… À quel âge mon petit-fils Theudebert était-il père ?…

À treize ans, madame (A) ; car à cet âge il eut un fils de Bilichilde, cette esclave brune aux yeux verts, que vous avez payée si cher… Je vois encore son regard fauve, étrange comme sa beauté… Du reste, une taille de nymphe, des cheveux crépus d’un noir de jais traînant jusqu’à terre… Je n’ai de ma vie vu pareille chevelure…

— Cette esclave… qui la mit un soir dans le lit de mon petit-fils. alors à peine âgé de douze ans ?…

— Vous, Madame (B) ; je vous accompagnais… Ah ! ah ! ah ! j’en