suivez-moi et courons. L’abbesse du diable ne peut tarder à arriver avec les bandits qui ont ici droit d’asile. — Le vieillard avait à peine fait quelques pas dans le corridor, lorsqu’il vit au loin s’avancer l’esclave portier tenant une lanterne à la main. — Restez cachés dans l’ombre, — dit tout bas l’orfévre aux fugitifs. Et il alla vivement au-devant du portier qui lui cria : — Eh ! vieux Bonaïk, est-ce que l’intendant n’est pas dans ton atelier ? Je ne sais à quoi il pense ; voilà deux heures que le bateau attend son messager…
— Quel bateau ?
— Le bateau que Ricarik a fait préparer. Les rameurs attendent le messager.
— Ils n’attendront pas longtemps, car ce messager, c’est moi.
— Toi ?…
— Connais-tu ce trousseau de clefs ?
— Ce sont celles que l’intendant porte à sa ceinture.
— Il me les a confiées afin que je puisse sortir de l’enceinte du monastère dans le cas où tu ne serais pas à ta loge. Allons vite retrouver le bateau. Marche devant. — Le portier, persuadé par l’accent de sincérité du vieillard, dont la présence d’esprit le sang-froid semblaient augmenter avec les périls, le précéda ; mais Bonaïk ralentit son pas, et appelant à voix basse un des apprentis : — Justin, toi et les autres, suivez-moi à distance ; la nuit est noire, la lueur de la lanterne du portier vous guidera ; mais dès que vous m’entendrez siffler, accourez tous. — Et, s’adressant au portier qui l’avait beaucoup devancé : — Eh ! Bernard ! ne va pas si vite ; tu oublies qu’à mon âge on n’est pas ingambe. — Bonaïk, précédé du portier, et suivi de loin, dans les ténèbres, par les fugitifs, arriva ainsi dans la cour extérieure du monastère… Soudain Bernard s’arrêta et prêta l’oreille. — Qu’as-tu ? — lui dit le vieil orfévre, — pourquoi rester en chemin ?
— Ne vois-tu pas la lumière des torches éclairer la crête du mur de la cour intérieure du monastère ? n’entends-tu pas ce tumulte ?
— Marche, marche. J’ai autre chose à faire que de m’occuper