Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heur de tomber aux mains d’un seigneur. Un vieux leude, à moustaches blanches et des moins amoureux, m’a eue pour sa part du butin, et il m’a vendue tout de suite au seigneur Samuel ; mais enfin peut-être une chance heureuse me viendra-t-elle ? Que dis-je ! — ajouta Blandine en adressant à Brunehaut son plus gracieux sourire, — n’est-ce pas déjà un grand, un inespéré bonheur que d’avoir été conduite en votre présence, ô reine illustre !

Brunehaut, après avoir réfléchi pendant quelques instants, dit au marchand : — Juif, je t’achèterai une de ces deux esclaves.

— Illustre reine ! laquelle des deux prenez-vous, Aurélie ou Blandine ?

— Je ne sais encore… elles resteront au palais jusqu’à ce soir… On va les conduire dans l’appartement de mes femmes.

Chrotechilde, à un signe de la reine, frappa le timbre ; la vieille femme reparut ; la confidente de Brunehaut lui dit : — Emmenez ces deux esclaves…

— Illustre reine ! choisissez-moi… — dit Blandine en se retournant une dernière fois vers Brunehaut, tandis que le juif enveloppait soigneusement de son voile cette petite diablesse. — Oh ! choisissez-moi, glorieuse reine ! vous ferez une bonne œuvre… je voudrais tant rester à la cour…

— Tais-toi donc, effrontée, — disait tout bas Samuel en poussant doucement Blandine vers la porte de la chambre à coucher de la reine que Chrotechilde désignait du geste. — Trop est trop, ces familiarités peuvent déplaire à notre redoutable souveraine !

Les deux jeunes filles, l’une toute joyeuse, l’autre chancelante et accablée, entrèrent dans l’appartement de la reine, tandis que, après avoir une dernière fois humblement salué Brunehaut, le juif quitta la salle en refermant sur lui le rideau de cuir qui masquait la baie de l’escalier tournant.

Brunehaut et sa confidente restèrent seules.