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— Ce juif s’appelait ainsi ?

— Vous le connaissez ?

— Écoute, pauvre enfant, et tu comprendras ma douleur… Après une grande bataille livrée près de Narbonne contre les Arabes, j’ai été prise par les guerriers de Karl : le butin, les esclaves ont été tirés au sort ; on nous a dit, à moi et à mes compagnes, que nous appartenions au chef Berthoald et à ses hommes.

— Vous… esclave de votre fils ! Mais il l’ignorait, mon Dieu !

— Oui, de même que j’ignorais que mon nouveau maître Berthoald… fût mon fils, Amael.

— Durant ce voyage du Languedoc ici, votre fils ne vous a pas vue ?

— Nous étions huit ou dix femmes esclaves dans chaque chariot couvert, nous suivions l’armée de Karl. Parfois les hommes du chef Berthoald venaient nous voir, et… mais je n’offenserai pas ta pudeur, pauvre enfant, en te racontant ces violences infâmes ! — ajouta Rosen-Aër en frémissant à ces souvenirs de dégoût et d’horreur. — Mon âge m’a préservée d’une honte à laquelle j’aurais d’ailleurs échappé par la mort… Mon fils n’a jamais pris part à ces immondes orgies mêlées de cris, de larmes et de sang ; car on frappait jusqu’au sang les malheureuses qui voulaient échapper à ces outrages. Nous sommes ainsi arrivées jusqu’aux environs du couvent de Saint-Saturnin ; là, nous avons fait, une halte de quelques heures. Le juif Mardochée se trouvait alors dans ce monastère ; apprenant sans doute qu’à la suite de l’armée il y avait des esclaves à acheter, il s’est rendu près de nous, accompagné de quelques hommes de la bande de Berthoald. Tu as été vendue, pauvre enfant, tu sais l’horrible examen que vous font subir ces marchands de chair gauloise ?

— Oui, oui, cette honte, je l’ai subie devant les moines de Saint-Saturnin lorsqu’ils m’ont vendue au juif, — répondit Septimine en cachant dans ses mains son visage empourpré de confusion. Rosen-Aër poursuivit : — Des femmes, des jeunes filles, malgré leurs