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— Mon fils Amael, portant le nom de Berthoald ! mon fils, favori du chef des Franks ! — s’écria Rosen-Aër, frappée de stupeur. — Mon fils, élevé dans l’horreur des conquérants de la Gaule, ces oppresseurs de notre race ! mon fils, favori de l’un d’eux ! non, non… tes souvenirs te trompent…

— Mes souvenirs me tromper… Oh ! je vivais cent ans, que jamais je n’oublierai ce qui s’est passé au couvent de Saint-Saturnin, la touchante bonté du seigneur Berthoald envers moi, qu’il ne connaissait pas. N’a-t-il pas obtenu de Karl ma liberté, celle de mon père et de ma mère ? N’a-t-il pas été assez généreux pour me donné de l’or afin de subvenir aux besoins de ma famille ?

— Ma raison se perd à chercher le secret de ce mystère ; la troupe de guerriers qui nous emmenaient esclaves, s’est en effet arrêtée à l’abbaye de Saint-Saturnin, — reprit Rosen-Aër avec angoisse et elle ajouta : — Mais si celui-là, que tu appelles Berthoald, a obtenu ta liberté du chef des Franks, comment es-tu esclave ici, pauvre enfant ?

— Le seigneur Berthoald s’est fié à la parole de Karl, et Karl s’est fié à la parole du supérieur du couvent ; mais après le départ du chef des Franks et de votre fils, l’abbé, qui m’avait déjà vendue à un juif, a maintenu le marché… En vain j’ai imploré les guerriers que Karl avait laissés au monastère pour en prendre possession et garder le petit prince, mes prières ont été vaines ; j’ai été séparée de ma famille. Le juif a gardé l’or que votre fils m’avait donné généreusement, et m’a emmenée en ce pays ; il m’a vendue à l’intendant de cette abbaye, qui a été octroyée par Karl au seigneur Berthoald, ainsi que je l’ai appris au couvent de Saint-Saturnin.

— Cette abbaye octroyée à mon fils !… lui, compagnon de guerre de ces Franks maudits ! lui, traître ! lui, renégat ! Oh ! si tu dis vrai, honte et malheur sur mon fils !…

— Traître ! renégat ! le seigneur Berthoald ! lui, le plus généreux des hommes ! lui qui m’eût arrachée à l’esclavage sans la cruauté de l’abbé, qui m’a livrée au juif Mardochée.