Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la faire plonger dans l’eau, et de rendre ainsi invisible ce moyen de correspondance entre l’atelier et le souterrain ; puis il lança dans le soupirail la pierre, à laquelle était attachée la cordelle, dont il garda l’extrémité dans sa main. Quelques moments après, trois secousses données à cette corde annoncèrent à Bonaïk qu’Amael pouvait rester jusqu’au soir sans danger dans sa prison, et qu’il exécuterait les recommandations du vieillard. Cette espérance ranima l’espoir de Rosen-Aër, et, dans l’élan de sa reconnaissance, elle prit les mains de l’orfévre en lui disant : — Bon père, vous le sauverez, n’est-ce pas ? vous le sauverez ?

— J’y tâcherai, pauvre femme ! mais laissez-moi rassembler mes esprits… À mon âge, voyez-vous, de pareilles émotions sont rudes ; il faut, pour réussir, agir avec prudence et réflexion. Aussi vais-je réfléchir, l’entreprise est difficile…

Pendant que l’orfévre pensif, accoudé sur son établi, appuyait son front dans sa main, et que les apprentis demeuraient silencieux et inquiets, Rosen-Aër, rappelant ses souvenirs, dit à Septimine : — Mon enfant, vous avez dit que mon fils avait été bon pour vous comme un ange du ciel… où l’avez-vous donc connu ?

— Près de Poitiers, au couvent de Saint-Saturnin… Ma famille et moi, touchées de compassion pour un jeune prince, un enfant, retenu prisonnier dans ce monastère, nous avons voulu favoriser l’évasion de ce pauvre petit ; tout a été découvert ; on voulait me châtier d’une manière honteuse, infâme ! — ajouta la Coliberte en rougissant encore à ce souvenir. — On voulait me vendre, me séparer de mon père, de ma mère… Alors, votre fils, favori de Karl, le chef des Franks…

— Mon fils ?

— Oui, le seigneur Berthoald.

— Berthoald ?

— Hélas ! ainsi s’appelle celui qui est renfermé dans ce souterrain…