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teur, ainsi que vous le voyez d’après le moule que voilà sur cette tablette.

— Que te faut-il ?

— J’aurais besoin d’un baril que je remplirai de sable au milieu duquel je placerai mon moule… Ce n’est pas tout… J’ai vu souvent, malgré les cercles qui entouraient les douves des barils, où l’on mettait les moules plongés dans le sable, ces douves éclater lorsque l’on versait dans le creux le métal en fusion. Il me faudrait donc une longue corde que j’enroulerais très-solidement autour du tonneau ; si les cercles éclatent, la corde du moins ne se rompra point. Il me faudrait, de plus, une non moins longue petite cordelle pour assujettir les parois du moule.

— Tu auras le baril, la corde et la cordelle.

— Encore un mot, Ricarik. Moi, et ces jeunes gens, nous serons forcés, pour cette fonte, de passer ici une partie de la nuit, les jours sont courts en cette saison. Faites-nous donner une outre de vin, à nous, qui ne buvons jamais que de l’eau ; cette largesse soutiendra nos forces durant notre rude labeur nocturne. J’ajouterai que les jours de fonte, dans l’atelier du grand Éloi, on régalait toujours les esclaves…

— Soit ! vous aurez votre outre de vin… aussi bien, c’est aujourd’hui jour de liesse en ce couvent, car un grand miracle vient d’avoir lieu…

— Un miracle ?

— Oui… un juste châtiment du ciel a frappé une bande d’aventuriers, à qui Karl le maudit avait eu l’audace de concéder cette abbaye, bien sacré de l’Église. Ils campaient cette nuit sur la jetée, comptant attaquer le monastère au point du jour ; mais l’Éternel, par un redoutable et surprenant prodige, a ouvert les cataractes du ciel. Les étangs se sont grossis, et tous les scélérats ont été noyés.

— Gloire à l’Éternel ! — cria le vieil orfévre en faisant signe aux