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Rosen-Aër et la Coliberte voyaient, de l’autre côté du fossé, Berthoald, se tenant des deux mains aux barreaux du soupirail de la cave. Soudain il reconnut sa mère, et, en proie à une sorte d’extase, il s’écria d’une voix vibrante, qui, malgré la distance, arriva jusqu’à l’atelier : — Ma mère !…

— Septimine, — dit précipitamment Bonaïk à la Coliberte, — tu connais ce jeune homme ?

— Oh ! oui… il a été bon pour moi comme un ange du ciel ! Je l’ai vu au couvent de Saint-Saturnin ; c’est à ce guerrier que Karl a fait don de cette abbaye.

— À lui ! — reprit le vieillard d’un air surpris et pensif. — Alors comment se trouve-t-il dans ce souterrain ?

— Maître Bonaïk ! — accourut dire un des esclaves, — j’entends au dehors la voix de Ricarik ; il s’est arrêté sous la voûte pour gourmander quelqu’un ; dans un instant il sera ici ; il vient faire sa ronde matinale selon son habitude.

— Grand Dieu ! — s’écria le vieillard avec épouvante, — il va trouver cette femme en ce lieu, l’interroger ; elle peut se trahir, avouer qu’elle est la mère de ce jeune homme, victime sans doute de l’abbesse… — Et le vieillard, courant à la fenêtre, saisit Rosen-Aër par le bras, et lui dit en l’entraînant : — Au nom de la vie de votre fils, venez ! venez !

— La vie de mon fils ! qui la menace ?

— Suivez-moi… ou il est perdu et vous aussi ! — Et Bonaïk, sans répondre à Rosen-Aër, lui montra le petit caveau pratiqué derrière la forge ; et ajouta : — Cachez-vous là, ne bougez pas. — S’adressant ensuite aux apprentis en courant à son établi : — Vous, enfants, martelez de toutes vos forces et chantez à tue-tête. Toi, Septimine, polis ce vase. Songez que si l’intendant se doute de quelque chose, nous avons tout à craindre. Dieu veuille que ce malheureux garçon ne reste pas au soupirail de la cave, ou qu’il ne soit pas vu de Ricarik ! — Ce disant, le vieil orfévre se mit à marteler à tout rompre sur