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récit de la mort de mon aïeul tué par un bandit de ta race ! Oui, j’ai souri, parce que je pensais qu’au point du jour je te ferais assister de loin à l’agonie, à la mort de ta mère ! Mais j’avais la nuit à moi… et je te trouvais beau !

— Oh ! monstre de luxure et de férocité ! — s’écria Berthoald en faisant des efforts surhumains pour briser ses liens. — Il faudra pourtant que je venge ma mère… Je t’étranglerai de mes mains !…

L’abbesse, voyant l’impuissance de la fureur de Berthoald, haussa les épaules et reprit : — Ah ! ton aïeul le bandit a incendié, il y a un siècle et demi, le château de mon aïeul, le comte Neroweg, et l’a ensuite tué à coups de hache. Moi, je réponds à l’incendie par l’inondation, et je noie ta mère !… Quant à toi, le sort qui t’attend sera terrible !…

— Tue-moi promptement ; mais, un dernier mot… Ma mère sait-elle que j’étais le chef des hommes dont le sort de la guerre l’avait rendue esclave ?

— Malheureusement, elle l’ignorait. Ceci a manqué à ma vengeance !

— Ce que tu sais de ma mère, qui te l’a dit ?

— Le juif Mardochée.

— Il la connaît donc ? où l’a-t-il vue ?

— À la halte que tu as faite au couvent de Saint-Saturnin avec Karl-Martel ; là, le juif t’a reconnu…

— Merci, Dieu ! ma mère a ignoré ma honte ! sa mort eût été doublement horrible… Et maintenant, monstre ! délivre-moi de la vie, j’ai hâte de mourir !

— Je ne partage pas cette hâte, tu m’appartiens…




Ce matin-là, Bonaïk, l’orfévre, entra, comme d’habitude, dans l’atelier ; il y fut bientôt rejoint par les jeunes esclaves apprentis.