de l’orient, qui commençait à se teinter des lueurs du jour naissant. Au bout de quelques instants, la clarté d’une grande flamme, s’élevant au loin à travers les dernières ombres de la nuit, répondit au signal de Méroflède. Ses traits rayonnèrent d’une joie sinistre ; elle jeta son flambeau dans le fossé rempli d’eau qui entourait le monastère ; et, à plusieurs reprises, elle secoua rudement Berthoald pour le réveiller. Celui-ci sortit difficilement de son sommeil léthargique. Voulant porter ses mains à son front, il s’aperçut qu’elles étaient garrottées ; se dressant alors péniblement sur ses jambes allourdies, l’esprit encore troublé, il regarda silencieusement Méroflède. Celle-ci, étendant son bras demi-nu vers l’horizon que l’aube éclairait faiblement, dit à Berthoald : — Vois-tu là-bas, au loin, cette chaussée qui traverse les étangs et se prolonge jusqu’à l’enceinte de ce couvent ?
— Oui, — répondit Berthoald, luttant contre la torpeur étrange qui paralysait encore son esprit et sa volonté, sans cependant obscurcir tout à fait son intelligence, — oui, je la vois.
— Tes compagnons d’armes ont campé cette nuit sur cette chaussée ?
— En effet, — reprit le jeune chef en tâchant de rassembler ses souvenirs confus, — hier soir… mes compagnons…
— Écoute, — reprit vivement l’abbesse en mettant sa main sur l’épaule du jeune homme, — écoute… de ce côté où le soleil va se lever, qu’entends-tu ?
— J’entends un grand bruit… il se rapproche… On dirait le bruit des grandes eaux…
— Tu l’as dit, mon vaillant. — Et, s’appuyant sur l’épaule de Berthoald : — Il y a là-bas, à l’orient, un lac immense contenu par une digue et des écluses…
— Un lac ?
— Le niveau de ses eaux est élevé de huit à dix pieds au-dessus du niveau de ces étangs… Comprends-tu maintenant ?