maines d’Auvergne, par le chef d’une troupe de bandits et d’esclaves révoltés.
— Le chef de ces bandits se nommait Karadeuk… il était le bisaïeul de mon grand-père !
— Par Dieu ! voilà qui est singulier ! Et comment ce bandit a-t-il tué Neroweg ?
— Ton aïeul et le mien se sont vaillamment combattus à coups de hache, le comte a succombé.
— En effet… tu rappelles mes souvenirs d’enfance. Ton aïeul n’avait-il pas écrit quelques mots sur le tronc d’un arbre après ce combat ?
— Il avait écrit ceci : Karadeuk, descendant de Joel, a tué le comte Neroweg !
— C’est cela !… et la femme du comte, Godegisèle, quelques mois après la mort de son mari, mit au monde un fils qui fut le grand-père de mon grand-père.
— Voilà qui est étrange… toi, fille des Neroweg, tu écoutes ce récit avec calme ?
— Aussi vrai qu’il laisse sa coupe pleine, ce soldat est, pardieu ! encore plus stupide qu’il n’est beau !… Et que me font à moi ces batailles de nos aïeux et de nos races ? Par Vénus ! je ne connais, moi, qu’une race au monde : celle des amoureux !… Donc, vide ta coupe, mon vaillant, et soupons gaiement. C’est trêve entre nous cette nuit… À demain la guerre !
— Honte ! remords ! raison ! devoir ! noyons tout dans le vin… Je ne sais si je veille ou si je rêve en cette nuit étrange ! — s’écria le jeune chef ; puis, prenant à la main sa coupe pleine, il se leva et ajouta d’un air de défi sardonique en se tournant vers le sombre et farouche portrait du guerrier frank : — Je bois à toi, Neroweg ! — Puis Berthoald, sa coupe vidée, se rejeta sur le lit dans une sorte de vertige, en disant àMéroflède : — Vive l’amour ! abbesse du diable ! Aimons-nous ce soir et battons-nous demain !