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— Qu’il entre… qu’il entre…

— Madame, à qui voulez-vous faire don de ces esclaves ?

— Tu le sauras… Mais j’ai hâte d’examiner ces créatures, le choix est important.

— Madame, voici Samuel.

Le marchand de chair gauloise, juif d’origine comme la plupart de ceux qui se livraient à ce trafic, entra bientôt suivi des deux esclaves qu’il amenait ; elles étaient enveloppées de longs voiles blancs, assez transparents pour qu’elles pussent voir à se conduire.

— Illustre reine,— dit le juif en mettant dès la porte un genou en terre et inclinant son front presque à toucher le plancher, — je me rends à vos ordres ; voici deux jeunes esclaves, véritables trésors de beauté, de douceur, de grâces, de gentillesse et surtout de virginité. Votre excellence sait que le vieux Samuel n’a qu’une qualité… celle d’être honnête homme.

— Debout, debout ! — dit Brunehaut s’adressant aux deux esclaves qui, en présence de la terrible reine, s’étaient agenouillées comme le marchand au seuil de la porte, — debout, les filles, et ôtez vos voiles.

Les deux esclaves se hâtèrent de se relever et d’obéir à la reine ; le juif, afin de mieux mettre en valeur sa marchandise, avait vêtu les deux jeunes filles de tuniques à manches courtes et dont la jupe descendait à peine au-dessus du genou, tandis que l’échancrure du corsage découvrait à demi le sein et les épaules. L’une des esclaves, grande et svelte, portait une tunique blanche ; elle avait les yeux bleus, une torsade de corail s’enroulait dans les nattes de ses cheveux noirs : on pouvait lui donner dix-huit ou vingt ans ; son visage, d’une beauté touchante et candide, était baigné de larmes, abîmée dans la douleur et la honte, tremblant de tous ses membres, elle tenait constamment baissé son regard noyé de pleurs, de crainte de rencontrer les yeux de Brunehaut. La vieille reine, après avoir longtemps et attentivement examiné cette jeune fille, en la faisant se tourner et se retourner devant elle en tous sens, échangea un signe