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— Seigneur, je ne sais… je ne l’ai jamais vue que de loin, enveloppée dans ses voiles.

— Si elle s’enveloppe dans ses voiles, elle doit être vieille et laide en diable, — reprit Richulf en hochant la tête. — Mais, réponds, esclave : les terres de l’abbaye sont-elles fertiles ? Y a-t-il de nombreux troupeaux de porcs ? moi, j’aime fort le porc !

— Les terres de l’abbaye sont très-fertiles, seigneur… les troupeaux de porcs et de moutons très-nombreux. Il y a deux jours, nous avons porté nos redevances à l’abbaye, les colons leur argent, et c’est à peine si le vaste hangar du monastère pouvait contenir le bétail et les provisions de toutes sortes.

— Berthoald, dit le Frank, — Karl-Marteau nous a généreusement partagés ; mais nous arrivons deux jours trop tard : les redevances sont payées, peut-être consommées ; nous ne trouverons plus de porcs…

Le jeune chef ne parut pas partager les appréhensions de son compagnon, et dit à l’esclave : — Ainsi, pauvre homme, cette route bordée de peupliers conduit à l’abbaye de Meriadek ?

— Oui, seigneur ; dans une demi-heure vous y serez.

— Merci de tes renseignements, — dit Berthoald à l’esclave.

Et il se préparait à rejoindre les autres guerriers, lorsque Richulf, riant d’un gros rire, reprit : — Par ma barbe, je n’ai jamais vu quelqu’un plus doux que toi envers ces chiens d’esclaves, Berthoald.

— Il me plaît d’agir ainsi…

— Soit… Aussi es-tu un homme étrange en ce qui touche les esclaves ; on dirait qu’ils te font mal à voir… car enfin, depuis Narbonne, nous traînons à notre suite dans des chariots une vingtaine de femmes esclaves, notre part du butin ; il y en a parmi elles de très-jolies, tu n’as jamais voulu seulement t’approcher des chariots pour regarder les femmes… elles t’appartiennent cependant autant qu’à nous.

— Je vous ai dit cent fois que je ne prétendais à aucune part sur