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d’autres, taxés à un certain nombre de livres de fer et de plomb, nécessaires à l’entretien des bâtiments de l’abbaye, apportaient ces métaux ; plus loin, c’étaient des rouleaux de toile de lin, des ballots de laine ou de chanvre à filer, d’immenses pièces de serge tissée au métier, des paquets de peaux de mouton, de bœuf ou de veau, corroyées, toutes préparées pour la main-d’œuvre. Il y avait encore des redevanciers tenus de fournir une certaine quantité de livres de cire, d’huile, de savon, et jusqu’à des torches de bois résineux, des paniers, de l’osier, de la corde tissée, des haches, des cognées, des houes, des bêches et autres instruments aratoires (B).

Ricarik s’était assis dans l’un des coins du hangar, auprès d’une table, pour percevoir les taxes en argent des colons retardataires, tandis que plusieurs sœurs tourières du monastère, vêtues de leurs robes noires et de leurs voiles blancs, allaient de groupe en groupe, tenant un parchemin où elles inscrivaient les redevances en nature. Le vieil orfévre, debout auprès de Ricarik, examinait l’un après l’autre les sous ou les deniers d’argent et de cuivre que donnaient en payement les redevanciers, et trouvait toute monnaie de bon aloi ; il eût craint d’exposer par son refus ces pauvres gens à de mauvais traitements, car l’intendant était un homme impitoyable. Les colons hors d’état de payer ce jour-là formaient un groupe assez nombreux, attendant avec anxiété l’appel de leurs noms ; plusieurs étaient accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants ; ceux qui purent payer leur taxe s’étant acquittés, Ricarik appela à haute voix Sébastien. Le colon s’avança tout tremblant ; sa femme et ses deux enfants, aussi misérablement vêtus que lui.

— Non seulement tu n’as pas payé ta redevance fixée à vingt sous d’argent, — dit l’intendant, — mais, la semaine passée, tu as refusé de charroyer des laines, des toiles de lin et des peaux corroyées, que l’abbesse envoyait vendre à Rennes.

— Hélas ! seigneur, si je n’ai pas payé ma redevance, c’est que peu de temps avant la moisson l’ouragan a couché mes blés mûrs.