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Éloi était si grande, si grande ! que l’on connaissait son nom dans toute la Gaule, et en d’autres pays encore. Les étrangers tenaient à honneur de visiter cet orfévre, à la fois si grand artiste et si grand homme de bien. Aussi, lorsqu’à Paris l’on demandait sa demeure, le premier passant répondait : « Tu veux savoir où loge le bon Éloi ? » va à l’endroit où tu trouveras le plus grand nombre de pauvres rassemblés, c’est là qu’il demeure (A). »

— Oh ! le bon Éloi ! — dit l’un des jeunes gens, les yeux humides de larmes. — Oh ! le bon Éloi ! le bien nommé !

— Oui ! mes amis ! car il était aussi actif pour la charité que pour le travail. Le soir, à l’heure du repas, il envoyait ses serviteurs de différents côtés pour rassembler ceux qui souffraient de la faim et les voyageurs malheureux. On les lui amenait, il leur donnait à manger ; remplissant auprès d’eux l’office d’un serviteur, il débarrassait les uns de leurs fardeaux, répandait de l’eau tiède sur les mains des autres, versait le vin dans les coupes, rompait le pain, tranchait la viande, la distribuait ; puis, après avoir ainsi servi chacun avec une joie douce, il allait s’asseoir sur un siège ; seulement alors il prenait sa part du repas qu’il offrait à ces pauvres gens.

— Et quel visage avait-il, père Bonaïk, ce bon Éloi ? on aime à se figurer un tel homme.

— Il était grand de taille et avait le visage coloré. Dans sa jeunesse, m’a dit Thil, son apprenti, sa chevelure noire bouclait naturellement ; sa main, quoique endurcie par le marteau, était blanche et bien faite ; il y avait quelque chose d’angélique dans son visage : son regard loyal était cependant rempli de finesse.

— C’est ainsi, père Bonaïk, que j’aime à me le représenter, vêtu de ses magnifiques habits, qu’il vendait souvent pour racheter des esclaves.

— Lorsque l’âge vint, le bon Éloi, renonçant à toute magnificence, ne porta plus qu’une robe de laine grossière avec une corde pour ceinture… Vers quarante ans, il fut nommé évêque de Noyon.