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CHAPITRE II.


L’abbaye de Meriadek. — Les esclaves orfèvres. — Vie d’une abbesse au huitième siècle. — État et redevance des colons et des esclaves. — Punitions. — La chair vive et l’épervier. — Broute-Saule. — L’atelier. — Le meurtre et le souper. — L’inondation. — Les fugitifs. — Les frontières de l’Armorique.




Un atelier d’orfèvrerie est agréable à voir pour l’artisan, libre ou esclave, qui a vieilli dans la pratique de ce bel art, illustré par Éloi, le plus célèbre des orfèvres gaulois. L’œil se repose avec plaisir sur le fourneau incandescent, sur le creuset où bouillonne le métal en fusion, sur l’enclume qui semble être d’argent veinée d’or, tant on a battu sur elle de l’argent et de l’or ; l’établi, garni de ses limes, de ses marteaux, de ses doloires, de ses burins, de ses polissoirs de sanguine et d’agate, n’est pas moins agréable à l’œil ; ce sont encore les moules d’argile où se verse le métal fondu, et çà et là, sur des tablettes, quelques modèles en cire, empruntés aux débris de l’art antique, retrouvés parmi les ruines de la Gaule romaine ; il n’est pas jusqu’au choc des marteaux, jusqu’au grincement des limes, jusqu’au bruit haletant du soufflet de la forge, qui ne soit une musique douce à l’oreille de l’artisan qui a vieilli dans le métier. Telle est la passion de l’art, que parfois l’esclave oublie sa servitude pour ne songer qu’aux merveilles qu’il fabrique pour ses maîtres.